Livres

En fin de conte, recueil de contes et histoires, éditions Aléas, 2008

L’auteure aime, grâce à la reprise d’histoires connues et la façon dont elle use de la langue, convoquer le passé et lui faire traverser la modernité. Mais elle invente aussi. De la création à la parodie, de l’intention politique à la volonté poétique, de la cocasserie à la rêverie, du rire au grincement de dents, le champ est parcouru, avec pour seule arme les mots, la langue allant parfois jusqu’à rester son seul et unique propos.

Extrait :

 

 

Si m’en croyez, ayez soin d’aiguiser vos fleurets si prince charmant voulez garder. On dit dans cette contrée que morale il ne faut point donner, que l’entendeur est assez grand pour cueillir tout seul leçons comme cynorhodons. N’en croyez rien, Mesdames, c’est le malin qui cherche à vous ôter épines pour mieux fouiller sous vos jupons et vous jeter après usage sans le moindre feuillage. »


À l’article de l’amour, recueil de textes érotiques poétiquement corrects, éditions Aléas, 2007

Extraits :

 

 

 

Aux choses de l’esprit, venez aiguiser votre corps, venez sentir que ces mots, qui n’ont pas plus de chair qu’une chaise, vous prennent à la racine, des pieds au sommet de vos cheveux, votre peau entière parcourant, et vous font percevoir nouvellement ce que vous ne savez plus voir à force d’habitude. Avec moi venez creuser les mots jusqu’à ce qu’ils rendent grâce, se dévêtent et, mis à nu, offrent tous leurs trésors enfouis au cours des siècles, alors transformerez en or le moindre pauvre caillou. Venez les fouiller tant et tant qu’ils bâilleront et ouvriront un sexe que vous ne soupçonnez. »

[…] Tenez, le verbe “ baiser ” que je jugeais vulgaire, à l’utiliser, s’est mis à m’accorder tout son suc si gentiment que plus j’allais l’usant, plus il devenait doux et lisse à entendre et si bien chantant avec Louise Labé : « Baise m’encor, rebaise-moi et baise ». Petit farceur, des lèvres d’en haut aux lèvres d’en bas a butiné. Ne s’en est pas remis, s’en est trouvé sali, est devenu salé. Et pourquoi ? je vous le demande.  Baiser posé sur vulve énamourée ne peut en être que taché. Alors, je vous le dis, baiser comme voudrez, du bout des lèvres, du bout des pieds puisque, à embrasser, la langue se perd dans son vaste corps et qu’en grande folie, ne sait plus où le bras, où la bouche, où le sexe.
Quelle est cette pruderie qui, au siècle où l’on se croit libéré, veut que la femme ne touche pas aux termes du sexe sans s’y salir les doigts ? Les hommes confondraient-ils les mots avec la chose ? Et cette chose, ne la saisissent-ils qu’avec des pincettes, des gants, le nez bouché, les yeux bandés, les dents serrées ? Il me semble qu’ils la prennent joyeusement à pleines mains, comme également je le veux faire avec les mots. Écrire est un voyage aussi fécond que lire à condition de réveiller la langue, de la branler, l’ensemencer. Que nos yeux se dessillent et voient enfin le monde rajeuni. Qu’importe que la plume soit mâle ou femelle. Louise Labé revendiquait déjà cette liberté, il y a cinq siècles. Vide est le temps. Les sciences évoluent mais notre cœur reste intact. Il y aura toujours ceux qui veulent enchanter le monde et les autres.
Quant à moi, je vous promets un brin de sensation, un autre d’émotion, un autre encore de sentiment et si désir avez de cueillir toute la tige et de plonger avec délice entier dans le calice, n’oyez oncques qui voudrait vous en dissuader et faites ce que voudrez. Puisse ce livre vous fouetter les sens et vous faire courir tout dreit chez vos tendres amours.
Et moi, née pour être très sage, laissez-moi faire l’amour un peu coquin avec grammaire et dictionnaire. »


Un tout petit nuage, recueil de nouvelles, éditions Aléas, 2006

Douze nouvelles où la vie bascule, où les personnages à la recherche d’eux-mêmes invitent le lecteur à la réflexion. Doutes d’une jeune femme à la veille de son mariage, désarroi d’une mère adoptive, dépression de la maturité, désenchantement au sommet d’un parcours sans faute, sort d’un enfant de banlieue, d’un SDF…composent la mosaïque de notre modernité, toutes situations traitées avec légèreté, parfois avec drôlerie. L’espoir affleure souvent et l’amour toujours, celui des hommes et des femmes d’abord mais surtout celui de la vie, même lorsqu’elle semble perdue. Un détail au plafond, jamais vu, et tout l’être se redresse.

« Sous la dentelle grège, la soie respire, la morale se rend, les souffles se métissent, puis, en douceur, les mots reviennent »

 L’auteur aime à conjuguer les tourments de l’âme et ceux du corps. Intériorité et sensualité sont les deux pôles d’un continuum dont l’écriture explore la trame. Et, quand l’érotisme s’empare du récit, c’est toujours de façon retenue. Nouvelles à lire.

L’architecture du texte qui vient à l’appui d’une rencontre entre deux femmes, ou entre un peintre et son modèle ; le glissement de la pensée par associations qui mime le cheminement d’une prise de conscience ; le maniement du symbole qui exhausse le sens premier ; la gourmandise des mots ; la poésie des images ; autant de procédés qui font de ces nouvelles un travail d’orfèvre. Nouvelles à relire