Autres textes

Équinoxe

Ça avait commencé par un remuement d’air à peine perceptible. Le gris du ciel, affalé sur le figuier, faisait davantage ressortir le gazon jauni. Pieds nus, penchée sur l’herbe, elle ramassait les fruits tombés confits. Certains vidés de leur pulpe avaient nourri une cohorte de petits coquillages, peut être des oiseaux. La matinée était tiède mais par-dessous sa chemise de nuit, un souffle s’était soudain engouffré, glacé. Ses cuisses avaient fraîchi. La brise avait forci. C’était du vent qui maintenant caressait ses flancs, remontait jusqu’à sa taille, jusqu’à ses seins dont les mamelons se dressaient en boutons puis, par l’encolure largement échancrée,  s’en venait mourir effleurant son cou et baisant ses joues. Le tissu autour de son corps avait gonflé en corolle renversée. Pistil léché, d’un coup, elle s’en était trouvée rajeunie. La peau raffermie. Vulve troublée. Sens en alerte. Une tendre bise lui flattait le visage. Elle huma cette fraîcheur soudain venue des nues. Voilà qu’on s’occupait d’elle, de façon si légère, si subtile qu’elle renversa sa tête pour mieux offrir sa gorge. Elle écarta les bras, libéra les aisselles, pour mieux laisser passer, sous le coton, ce galant vent d’automne. Elle écarta les jambes. Son sexe en s’ouvrant eut un bruit de baiser, et le creux du nombril, pris dans sa mappemonde, sentit toute la force de l’équinoxe. Dans l’air planait l’amour, si doux. Elle se prit à rêver d’un second souffle également exquis. Mais les remous de l’atmosphère s’aggravaient. Il faut tondre, se dit-elle. Et elle le fit. Et dès qu’elle eut fini : la pluie et le jardin béni.

Elle se mit à l’abri et son esprit, surpris, s’essaya aux choses de l’automne. Une envie de haïku la prit. Sages ou fous les haïkus ? titrait un livre pris sur l’étagère. Le monde lui parlait. Bien sûr, qu’elle était un peu les deux, folle et sage à la fois. Qui aurait pu comprendre que, dans le jardin, ce matin, un peu ivre et léger, le vent d’autan s’était levé et l’avait prise en vrille, direct au pédoncule ? Dans la fraîcheur de septembre, l’amour était passé. L’averse qui suivit fit gonfler tous ses fruits. Elle écrivit un peu, rêva beaucoup. Pendant ce temps, sans qu’elle s’en souciât outre mesure, les forces au dehors se déployaient, se déchaînaient. La tension montait. Les alertes se succédaient, jaune, orange, rouge, aux couleurs de saison. Puis le jour devint noir et la nuit devint blanche. Et les souffles de faire voler palissades, tuiles et cheminées. Et le vieux chêne de s’écrouler, arraché au rocher. Il pleuvait des éclairs. À la porte d’intenses charges électriques crépitaient. Un instant la tornade menaça de faire exploser la baie vitrée. D’un bond elle se leva, paniquée. Tout son corps tremblait. Et la colère monta : à chaque fois c’était la même chose, l’amour au début si doux, si dur après.

Elle se surprit à désirer l’hiver.